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CGT - CA Touraine Poitou
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8 octobre 2014

Licenciée après avoir alerté la Direction sur les manquements à la déontologie de son supérieur hiérarchique...

Le système de la performance, de "l'excellence", du winner où tous les moyens sont bons pour réussir. La source du mal au travail issue de la gestion capitaliste, tu marches ou tu crèves…

Un récit éloquent...

Source : "Challenges"

Le Crédit Agricole aurait-il un problème avec les lanceurs d'alerte ?

Une analyste financière a été licenciée après avoir alerté la Direction sur les manquements à la déontologie de son supérieur hiérarchique, dangereux pour la banque, selon elle.

Elle s’appelle Ida de Chavagnac. Calme et élégante, cette analyste financière raconte son histoire. Elle assure avoir été licenciée du Crédit Agricole pour avoir donné l’alerte sur des pressions commerciales n’ayant pas leur place dans le contrôle des risques d’une banque. Si l’utilité des lanceurs d’alerte n’est plus à prouver depuis l’affaire Snowden, leur protection est loin d’être assurée en France. Témoignage.

Ida de Chavagnac travaillait dans l’équipe "des analystes des risques de crédit de contreparties" du Crédit Agricole. Ce métier au nom compliqué consiste à étudier sous toutes les coutures les "contreparties", c’est à dire les sociétés financières (assureurs, banques, fonds) à qui la banque prête de l’argent. Ensuite, les analystes donnent à chaque "contrepartie" une note. Les rapports produits par ces moines bénédictins de la banque sont incompréhensibles pour les profanes mais essentiels : s’ils apprécient mal la solvabilité d’un gros emprunteur et que celui-ci fait faillite, le Crédit Agricole,  première banque de détail française - un Français sur quatre y possède un compte-  peut lui-même se trouver en péril.

Ce métier méconnu, Ida de Chavagnac l’a pratiqué pendant 22 ans, dont 15 chez CACIB, la banque d’investissement du Crédit Agricole. Sa carrière se déroulait sans encombres jusqu’en mars  2010. A cette date, un nouveau  responsable prend la tête de son service. Très rapidement, elle constate que son supérieur n’a  pas la même appréciation des risques que ses prédécesseurs. "Il n’hésitait pas à surévaluer la notation d’un client, et à me demander d’en faire de même, si cela pouvait favoriser les services commerciaux. Et il me demandait d’accorder systématiquement les limites de crédit demandées par nos clients", dit-elle (cf document à la fin de cet article).  

Dossiers retirés, bonus supprimé

Parfois, elle constate même que son chef passe la ligne rouge : "Je l’ai vu octroyer des limites de crédit à des établissements qui ne publiaient pas de comptes ou qui étaient soupçonnés de blanchiment d’argent dans nos réunions", rapporte-t-elle.

C’est le début d’un bras de fer entre l’analyste et son supérieur : celui-ci exige qu’elle note de façon plus positive les clients de la banque. Elle s’y refuse, jugeant que son métier consiste à évaluer objectivement les risques, pas à développer  le chiffre d’affaires de la banque. Ne parvenant pas à lui imposer ses vues, son supérieur lui retire peu à peu des dossiers.

Fin 2012, le conflit s’envenime. Le supérieur d’Ida de Chavagnac décide de la sanctionner : elle est privée de bonus, pour la première fois de sa carrière. Une punition justifiée par une appréciation très négative. La salariée est accusée "de ne pas favoriser suffisamment l’intérêt commercial de la banque".

Quid de la nécessaire "muraille de Chine" ?

Le reproche a de quoi surprendre sous la plume d’un contrôleur des risques. Car l’intérêt commercial de la banque et l’appréciation des risques obéissent à des intérêts opposés: plus la note de crédit est faible, moins la banque gagne d’argent. A l’inverse, si les clients sont bien notés, la banque peut réaliser des marges importantes, ce qui l’incite à ouvrir les robinets du crédit. Dans une banque qui fonctionne correctement, les objectifs commerciaux doivent donc être séparés par une "muraille de Chine".

Ida de Chavagnac considère la suppression de son bonus  comme une mesure d’intimidation : on veut lui imposer une dérive commerciale qu’elle juge inacceptable. Elle décide alors de donner l’alerte. En octobre 2013, elle rencontre un premier manager, qui lui donne tort. Puis un deuxième, qui récuse à nouveau ses accusations. La direction des ressources humaines lance une enquête à laquelle elle refuse de participer. Pour elle, le Crédit Agricole s’écarte du sujet en plaçant le débat sur le terrain de la souffrance au travail. "Je ne voulais pas me plaindre de harcèlement et je n’avais rien de personnel contre mon chef. Je voulais simplement que la banque mette fin à ses manquements déontologiques". En décembre 2013, l’enquête conclut à un non-lieu.

Licenciée pour faute après avoir alerté le DG 

Le 6 janvier dernier, en désespoir de cause, Ida de Chavagnac s’adresse à un directeur général de la banque. La réponse tombe le 10 janvier 2014 : licenciement pour faute. Le motif invoqué par la banque est le suivant : la salariée est accusée "d’avoir proféré de graves accusations à l’encontre de son supérieur hiérarchique et de les avoir maintenues alors que l’enquête avait conclu que (celui-ci) n’était coupable d’aucun comportement répréhensible".

"Jamais je n’aurais imaginé que cela irait si loin", explique l’ancienne salariée, mère de quatre enfants. "J’ai agi uniquement dans le but de défendre les intérêts à long terme de la banque". Ni harcelée ni militante, elle découvre qu’elle appartient à la race désintéressée et isolée des "lanceurs d’alerte".  Estimant que la banque n’a jamais cherché à vérifier le bienfondé de ses accusations, elle a lancé deux procédures. Devant le tribunal des prud’hommes, elle demande la nullité de son licenciement et sa réintégration dans la banque. Point important, elle refuse de demander des indemnités : elle ne veut être soupçonnée en aucune manière de chantage à l’égard de son employeur. Elle a également porté plainte contre le Crédit Agricole pour "corruption et tentative de corruption".

Difficile de dénoncer des faits en France

"Ida de Chavagnac est l’exemple même de la collaboratrice qui a agi dans le respect de la loi et n’a pas été écoutée", estime William Bourdon, son avocat. "Ce cas est emblématique du fait qu’en dépit des différentes lois votées en France depuis 2008 il reste très difficile de dénoncer des faits dans une entreprise et d’en attendre une réaction adéquate", poursuit-il.

En France, Stéphanie Gibaud, la whistleblower qui a révélé l’évasion fiscale chez UBS, a été licenciée et se trouve toujours sans emploi. Au Royaume-Uni, les personnes exerçant des représailles à l’encontre d’un lanceur d’alerte encourent jusqu’à deux années de prison.  Au Canada, une autorité indépendante a été créée pour permettre aux lanceurs d’alerte de se confier anonymement.

Contacté par Challenges, le Crédit Agricole a indiqué qu’il ne pouvait commenter un contentieux en cours.

Source : "Challenges".

 

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